•  
  •  

Prédication du dimanche 30 avril 2023 - Installation de Marie-Christine Schertenleib

Culte avec baptême 


Plusieurs personnes ont demandé le texte de la prédication lors de l’installation de Marie-Christine. Comme souvent, je n’en ai pas, car je n’écris pas mes prédications. Je suis plutôt comme un cuisinier, j’ai bien sûr concocté le menu, fait les achats, préparé dans des bols les différents éléments et ouvert mon armoire à épices… Mais c’est devant les convives et au gré de l’inspiration que je prépare le repas et que j’assaisonne les plats avec tel ou tel ingrédient qui me paraît être le bon le moment venu. 

Le texte qui suit est donc une mise par écrit de quelques éléments retenus pour la Prédication du dimanche 30 avril 2023. Ce jour-là, je me suis appuyé sur l’évangile du jour, L’apparition de Jésus aux disciples d’Emmaüs (Lc 24 :13-35) et sur la tenture illustrant ce récit, patchwork original et mystérieux de Heidi Décurey exposé dans l’Église St-Vincent. Voilà quelques éléments dont je me souviens :


Ce même jour, Marie-Christine et Marc se rendaient à un village du nom d’Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem. Une femme, un homme, une diacre, un pasteur, une jeune ministre fraichement consacrée et aujourd’hui installée, et un vétéran, tout en bout de course, trop vieux pour être « nommé », juste bon pour être « affecté » à la paroisse de Montreux. 

J’aime l’idée de l’équipe, de ces deux disciples marchant en binôme, une configuration tellement conforme à ce que Jésus lui-même préconise lorsqu’il envoie ses apôtres en mission, deux par deux (Lc 10 :1), jamais seul ! J’aime cette idée de faire équipe avec Marie-Christine, mais aussi avec Vincent Demaurex et Claudio da Silva, dans cet autre binôme que nous formons, les paroisses de Montreux et Clarens.


Quoi qu’il en soit, le plus important est Celui qui vient se faire compagnon de route : Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux : Jésus est là, compagnon de route, incognito, de ses deux disciples en pleine déprime. 

Ils ne le reconnaissent pas, ils ne le savent pas, comme nous bien souvent, mais « Dieu est là » en route avec eux, dans le même bateau, sur la même galère. Il ne s’impose pas, il s’invite. Et il surprend ! 

J’aime cette idée que Jésus fait route avec notre duo ministériel et que même si l’immensité de la tâche pèse sur de trop fragiles épaules, à trois, non seulement le fardeau du ministère est plus léger, mais surtout avec le troisième, nous est donnée la pièce maîtresse, celle qui sait où mène le chemin, celle qui est elle-même chemin, vérité et vie.

Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Pauvres disciples d’Emmaüs … Regardez-les sur la tenture de Heidi Décurey : tellement accablés avec une tonne de nuages noirs sur la tête - ou bien est-ce que ce sont des cailloux ? Tellement déprimés devant l’échec apparent de la mort de leur maître… pour qui ils n’ont rien pu faire, malgré leur désir de se battre… L’épée ne sert plus de rien et ils en sont là, tellement sans avenir, tellement errant, qu’ils semblent plus à l’arrêt qu’en train de marcher vers un but. Combien de fois, mêmes croyants, chrétiens, disciples, ministres, ne sommes-nous pas comme eux ? Jusqu’à en oublier que Jésus marche sur notre chemin… 

Les disciples me semblent à l’image de tant de chrétiens d’aujourd’hui, particulièrement dans notre Église réformée… Incapables comme les disciples d’Emmaüs de discerner le Christ dans le mystérieux compagnon à nos côtés ? Sentons-nous que cette présence rend notre fardeau plus léger ? L’Évangile de ce jour nous interpelle, et je pense particulièrement à toi Marie-Christine, pour que jamais tu ne te laisses aller à penser que tu es seule sur le chemin du ministère, et pour que jour après jour tu reçoives la grâce de sentir Sa présence auprès de toi.

Après cette entrée en matière, l’inflexion du texte biblique fait de Jésus un Maître en psychologie. Bien longtemps avant que les psychologues modernes ne développent le concept et la méthode de l’écoute active, Jésus pose les bases de ce qui aujourd’hui est un des fondements de la pyschologie : Il leur dit : « Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? » 

J’aime cette manière dont Jésus dit à ses disciples : comment ça va ? Avec cette disponibilité totale à entendre, à être entièrement dans cette attitude de l’écoute, sans préjuger de ce qui va être dit ou de ce qui devrait l’être.

La capacité d’écouter est certainement une des grandes qualités que l’on peut reconnaître à Marie-Christine ! Elle pratique et maîtrise cet art depuis longtemps, tant dans les EMS comme aumônière, que dans sa fonction de ministre en paroisse. Avec cette disponibilité totale à entendre, à être entièrement dans cette attitude de l’écoute, sans préjuger de ce qui va être dit ou de ce qui devrait l’être, elle aussi a cette écoute respectueuse, bienveillante et active dont Jésus témoigne auprès de ses disciples meurtris.

Alors ils s’arrêtèrent… et vidèrent leur sac ! tout y passe, le traumatisme d’une mort cruelle, les espoirs déçus, les rêves brisés et même une sorte de résignation confinant à la capitulation et à la désertion. Même la disparition du corps du maître et le témoignage saugrenu de quelques femmes laissant espérer qu’il serait vivant n’ont pas réussi à changer leur état d’esprit… Le chemin d’Emmaüs, comme sur la tenture de Heidi Décurey, est parsemé de pierres si blessantes, si lourdes, si noires qu’aucune espérance ne semble pouvoir jaillir… 

Mais ce chemin passe sous la croix, sous cette croix où un seul petit point rouge attire notre attention : là où le sang a coulé, il y a comme un « caillou rouge ». J’y vois comme un bouton, un point « start » qui va transformer le chemin de ténèbres en chemin de lumière…

Ce point rouge – qui a peut-être la forme d’un cœur - c’est l’amour du Christ, répandu sur la terre… si petit qu’on ne le remarque presque pas, comme si nos yeux étaient empêchés de le voir… 

Le chemin de ténèbre va alors progressivement se transformer, les pierres noires se font plus rares, les cailloux jaunes comme les petits cailloux blancs du petit Poucet conduisent les disciples jusqu’au moment de la fraction du pain, jusqu’au moment où leurs yeux s’ouvrirent…

Le retour à Jérusalem traverse le ciel et les pierres se mettent à flotter formant un chemin flamboyant qui traverse la tenture de Heidi Décurey comme un arc-en-ciel multicolore de fleurs et de lumière rappelant la promesse d’un monde où triomphent la vie et l’amour. 

Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures ? »

Luc ne se fait pas que le chantre de l’écoute active… Un deuxième élément tient une place toute aussi importante dans le récit : les Écritures… Et si j’ai pu souligner les qualités de Marie-Christine en tant que personne capable d’écoute ne pensez pas qu’elle ne soit pas également une excellente théologienne… 

Il ne faudrait surtout pas opposer l’écoute et la capacité de transmettre le message biblique. Il ne faudrait pas plus faire de l’écoute une activité diaconale opposée aux activités pastorales principalement liées à la prédication. J’ai toujours pensé qu’en tout diacre il devait y avoir une part de ministère pastoral et qu’en tout pasteur il devait y avoir une part de ministère diaconal, et nous avons la chance avec Marie-Christine d’avoir réunis en elle, ces deux aspects du ministère également bien représentés.

Ce que je retiens surtout de ce récit, c’est que l’écoute prépare le terrain… Les disciples ont dû pouvoir faire le vide de leurs émotions avant de faire le plein d’espérance, de cette espérance qui brûle le cœur … sans le consumer ! 

Cette expérience de la rencontre avec Dieu, qui nous rappelle celle de Moïse, chacun est appelé à la faire en se laissant rencontrer sur son chemin de vie par le Christ, ce voyageur si souvent encore incognito, qui veut devenir hôte de nos vies, et par le témoignage des Écritures. 

Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible. 

J’aime la façon dont Luc exprime ce moment extraordinaire où tout s’éclaire… où « enfin je comprends la Bible ! » Ce moment où je découvre qu’il était là, depuis toujours à mes côtés… ce moment aussi indescriptible, aussi indicible, aussi sublime que l’émotion ressentie devant un tableau, devant une fleur, ou devant un lever de soleil depuis un sommet élevé… Eurêka ! 

Reste une énigme … Quand Jésus disparaît… où va-t-il ? Passe-t-il à travers les murs de la maison ? Va-t-il au ciel ? 

Pour ma part, il y longtemps que je crois qu’il ne va pas très loin… il est juste-là, dans ce feu qui brûle le cœur de ses disciples. Invisible, inaccessible, mais bien présent, là, au coeur de notre vie.

A l’instant même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem ; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui leur dirent : « C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon. » 

Luc nous invite à suivre le mouvement… Marie-Christine, le chemin n’est pas terminé ! Même si cela fait un bout de temps que tu es en marche ici à Montreux, forte de cette présence et des énergies nouvelles que donne le Christ, puisses-tu rester en route, pour témoigner auprès de la communauté de Montreux et au-delà de ta foi rayonnante … avec le feu de l’amour du Christ dans ton cœur,

Amen                                    ​​​​​​​

Fichier

Feuille de culte du dimanche 30 avril 2023 Montreux p.1

Télécharger fichier
Fichier

Feuille de culte du dimanche 30 avril 2023 Montreux p.2

Télécharger fichier
image-placeholder.png