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Prédication à deux voix,  du 11 septembre 2016 au Temple de Clarens par Marc Horisberger et Nelleke de Boer 

Perdu et …retrouvé !   Présentation
Je ne sais pas si vous êtes comme moi ? Moi je perds régulièrement des objets: mes clés le plus souvent, mais aussi mon dernier parapluie, mes gants, mon appareil photo, mon portemonnaie, mes lunettes … sans parler du rappel de la dernière facture du dentiste. Bon là vous me direz que c’est un acte manqué, que je le fais exprès et vous n’aurez peut-être pas tout tort…Toujours est-il qu’excepté pour la facture du dentiste, retrouver un objet perdu est source d’une autre expérience qui, cette fois, n’a rien de désagréable. Qui n’a jamais poussé un ouf de soulagement en retrouvant ses clés laissé au fond d’une poche de la veste soigneusement rangée dans l’armoire ? Qui n’a jamais sentit cette bouffée de bonheur gonfler sa poitrine en retrouvant son portemonnaie négligemment oublié sur la table du restaurant ? Ainsi le monde n’est pas si méchant, il y a encore des gens honnêtes et le ciel est bleu.

Cette expérience de la joie qui monte en nous lorsque nous retrouvons un objet  perdu est vieille comme le monde sans doute. En tous cas, vieille comme l’Evangile ! Puis que Jésus reprend cette expérience dans trois petites paraboles accolées l’une à l’autre dans l’Evangile de Luc: la parabole de la brebis perdue … et retrouvée, la parabole de la pièce d’argent perdue …et retrouvée et celle de l’enfant perdu … et retrouvé ! Comme trois marches qui montent vers le trône de la joie divine. En effet, cette expérience de la joie qui nous est si commune, c’est celle de Dieu quand quelqu’un s’approche de lui. Ce qui compte dit Jésus ce ne sont pas les raisons pour lesquelles les gens se sont détachés, détournés ou écartés de Dieu. Ce qui compte, c’est la joie de Dieu quand quelqu’un l’appelle, le cherche ou se tourne soudainement vers lui. Ce qui compte c’est la joie de Dieu quand il nous trouve! Cette joie qui monte en nous lorsqu’on retrouve un objet perdu, Jésus n’hésite pas à la rapporter à la joie de la Résurrection : « Il faut se réjouir et faire la fête, car mon fils que voici était perdu et il est retrouvé, il était mort et il est revenu à la vie!

 

La brebis perdue …et retrouvée Icône contemporaine (2008) inspirée de l’iconographie byzantine non signée de Sylvie Knap

 

La Drachme perdue  (tableau  réalisé        pour « Les paraboles » en 1905-1906)           par le peintre       Eugène BURNAND (1850 - 1921)




 La Drachme perdue  (tableau  réalisé pour « Les paraboles » en 1905-1906) par le peintre Eugène BURNAND (1850 - 1921)
Introduction                                                                      

Perdu et retrouvé … Au premier abord, voilà le thème des trois paraboles qui nous sont proposées ce matin

La parabole du mouton perdu,
La parabole de la pièce d’argent perdue
La parabole du fils perdu

Ce qui frappe tout de suite, c’est la progression du discours que Jésus adresse aux Pharisiens et aux scribes, ces religieux qui pensent être des gens bien, pieux, cultivés et qui s’offusquent de voir Jésus s’attabler avec les publicains et les gens de mauvaise vie. Ça commence avec une histoire de mouton, ça devient plus sérieux avec une affaire d’argent et le discours culmine avec une histoire d’héritiers.

Dès le départ, l’Evangéliste Luc nous mets en garde :  On est clairement dans un discours polémique. D’un côté il y a les croyants qui se croient juste, vertueux et en règle avec Dieu. Ils ont quasiment un pied dans le Royaume de Dieu. En tout cas ils sont au-dessus de la mêlée. D’un autre, les traîtres, les ratés et les minables. Des gens perdus… perdus pour eux-mêmes pour la société et cela ne fait pas de doute, pour Dieu lui-même!

Si l’on en ressent encore la tension, palpable lorsque Jésus commence son discours, on a de la peine à imaginer la violence contenue des interlocuteurs. Luc nous a déjà averti : pour les pharisiens et les scribes ce Jésus qui parle de Dieu et s’attaque à la religion est un ivrogne et un glouton. Jésus est nuisible et ils cherchent pour le moment à le discréditer, mais on sait comment n’y parvenant pas, ils finiront par précipiter sa perte.

Sketche   accessoires : 10 clés USB/ un balai neuf / une lampe de poche

Marc tourne en rond cherche partout …

M     Mais ça m’énerve !!!  ça m’énerve !!  Où est-ce qu’elle est cette clé…
Pfff…
N      Tu cherches quoi ?
M     Une clé USB …  Je suis sûr que je l’avais posée là sur la table… Ah je la cherche partout !!
N      Une clé USB ? mais moi j’en vois là sur ton bureau ! il y en a neuf !
M     Non, non pas celles-là, la rouge que j’ai posé là quand je suis arrivé. Je suis sûr que t’as vu où je l’ai posée… Tu sais quand tu m’as proposé un café…
N      Bon Marc, c’est pas si grave que ça tu n’as qu’à en prendre une autre… t’en a bien assez là sur ton bureau !!!
M     Non ! tu ne comprends pas ! c’est la clé sur laquelle il y mon power point pour ma conférence aux aînés tout à l’heure…  Il me la faut à tout prix !!!
N      Dans ce cas-là, mon cher collègue… je vois qu’une solution… c’est le moment que tu mettes un peu d’ordre dans le bureau…  !
N      Tiens justement voilà un beau balai tout neuf…   Et puis je te donne aussi une lampe de poche... ta clé a peut-être glissé sous une armoire…
M     Ah mais ça m’énerve trop ! J’en ai vraiment besoin de ces clés !
         Et puis j’ai pas le temps de tout ranger… je dois vraiment la retrouver tout de suite.
N      Moi je ne vois que le balais et la lampe de poche comme solution ! Alors … au boulot cher Collègue !! 

Musique       Marc balaie en traversant l'Eglise

M     M’ouais ouais, balai neuf balaie bien… est-ce qu’elle sait seulement mon âge, me plier pour aller voir sous l’armoire, c’est comme installer le stand de livres à la vente de paroisse… pfff
Oups … qu’est-ce que c’est ? …. Ah ah !    yeeeeeeees
Nelleke, je crois bien que je l’ai trouvée !!!!

Youhouuuuuuu !  εὕρηκα !  Ouf !  Et bien Nelleke ce sont les aînés qui voit être heureux !!!! 

Prédication à deux voix

Marc
Un mouton sur cent
Une pièce d’argent sur dix
Un fils sur deux
Tu avais remarqué cette progression dans les trois paraboles que Jésus nous raconte ?

Nelleke
Ç’est sûr que pour le père qui voit s’éloigner un de ses deux fils, c’est la moitié de la famille qu’il perd, et même plus parce qu’il semble qu’il a déjà perdu sa femme !
Et puis perdre un dixième de sa fortune, c’est quand même beaucoup !
La femme qui a perdu un pièce d’argent va avoir une fin de mois difficile…

Marc
Oui mais bon elle va peut-être quand même s’en sortir ! c’est quand même pas dramatique…
Et je n’arrive pas à comprendre le berger !!! si un mouton sur cent bêtes est perdu… il faut pas en faire tout un foin… c’est inévitable ! Il y a toujours du déchet ! Il pourrait mettre ce mouton sur le compte des pertes collatérales… Et puis on pourrait même abandonner ce mouton imprudent, cette chèvre de M. Seguin, cet individualiste incapable de mesurer les conséquences de son choix comme le plus jeune des fils de la dernière parabole !  En fait si le mouton s’est perdu eh bien tant pis pour lui ! ou pis encore « bien fait pour lui ! » Il n’avait qu’à rester tranquillement dans le troupeau ! Maintenant… c’est son problème !

Nelleke
Mais, ma parole, Marc on croirait entendre un Pharisien en train de juger ? … C’est la faute au mouton s’il s’est perdu, c’est la faute à la femme incapable de tenir sa maison en ordre si elle a perdu son argent…  Le mouton s’est peut-être juste égaré … c’est peut-être juste un rêveur… Il doit vivre sa vie…  Et même,  j’aime bien ce mouton qui ne veut pas être une brebis bêlante… et adopter un comportement moutonnier…  Et cette femme qui a une maison en désordre, peut-elle qu’elle a envie de faire autre chose de sa vie que de tenir un ménage…

Marc
Quoiqu’il en soit, le berger lui, fait une fixation ! il est obsédé par la bête qui manque ! Mais il devrait aller voir un psy… car franchement ce n’est pas raisonnable de laisser sans surveillance et sans protection les 99 autres moutons dans le désert pour aller à la recherche de celui qui est perdu…

Nelleke
Peut-être qu’on voit ces évènements avec notre mentalité de consommateurs gavés… un mouton de plus ou de moins sur cent, ce n’est pas grave. Avec notre système d’assurance on est habitué à calculer les risques et les pertes… A l’époque de Jésus, c’était sûrement différent… le berger doit rendre des comptes au propriétaire et la femme a besoin de toutes ses ressources…
Pourtant, avec la progression observée dans ces trois paraboles, c’est comme si Jésus voulait prévenir ce raisonnement de l’homme moderne… et de ses interlocuteurs, des ces Pharisiens et de ces scribes qui pouvaient parfaitement imaginer que des gens se perdent sans que cela ne les touche.

Marc  
Tu veux dire que Jésus nous conduit aussi sûrement qu’un berger à changer notre regard sur le monde et sur Dieu? Pour un berger, perdre un mouton ce serait tout perdre ? Exactement comme le père qui perd un fils ?

Nelleke
Oui, la dernière parabole, celle du fils perdu, nous permet de nous rendre compte de la valeur de ce qui est perdu. Perdre un fils, c’est insuportable! et on peut comprendre l’obsession du Père,  - non en fait ce n’est pas de l’obsession, mais de la passion. On comprend que le Père est mu par l’amour, et non le calcul !

Marc
En fait Jésus nous invite à passer de la statistique (1 sur 100 ; 1 sur 10 ; 1 sur 2 ) à la compréhension d’un Dieu d’amour pour qui chaque être est unique et précieux !
Le Dieu de Jésus ne peut pas se contenter d’être le Dieu des  « gens bien » des vertueux, des gens qui ont la juste et bonne religion, aujourd’hui on pourrait dire le Dieu des chrétiens.  
Non ! Il est le Dieu de tous, particulièrement de ceux que les Pharisiens appellent avec mépris les pécheurs et autres gens de mauvaise vie et que Jésus nous invite à regarder comme des gens qui sont perdus ou se sont perdus… Il est le Dieu des pauvres des petits et des égarés.
Le berger ne peut pas abandonner ne serait-ce qu’une seule brebis !
Il faut qu’il la retrouve ! La femme, de même, est mue par un désir impérieux. Il faut qu’elle retrouve la pièce égarée ! Il y a là un impératif catégorique !

Nelleke
On entend d’ailleurs ce même « il faut »  à la fin de la troisième parabole lorsque le Père dit au fils aîné : "il faut faire la fête, parce que ton frère était perdu et il est retrouvé, il était mort et il est revenu à la vie ! »

Marc
Justement, Nelleke je voulais qu’on parle de la fête, de la joie qui me semble aussi au cœur de ces trois paraboles… On comprend qu’il soit tout joyeux d’avoir retrouvé sa brebis, mais pourquoi faut-il partager cette joie avec tous ?

Nelleke
La perte, le chagrin, la peine, l’angoisse nous isolent… Le berger dans sa montagne est seul, comme la femme avec son balai et sa lampe et le Père sur le porche de sa demeure à attendre le fils qui lui a tourné le dos. Les grandes souffrances sont muettes.
Mais la joie c’est juste l’inverse ! la joie se communique… la joie est contagieuse…

Marc
Tu as raison ! Regarde le berger ! il est d’abord joyeux d’avoir retrouvé son mouton …  Moi je lui aurais passé une bordée… je lui aurait fait la morale à la manière des Pharisiens… Lui c’est tout juste s’il ne l’embrasse pas. Il la met sur ses épaules… et dans cette communion retrouvée… il revient tout joyeux… elle l’envahit, mais il y en a bien plus que pour lui seul … il faut qu’il la communique à ses amis, à ses voisins, et finalement cette joie déborde, elle inonde même le ciel !

Nelleke
La joie rayonne… elle nous illumine et nous éclaire… la maison de la femme devait être en désordre comme nos vies parfois… Mais quand elle retrouve sa pièce, elle ose enfin inviter dans sa maison bien rangée pour faire la fête… et les anges aussi sont invités à la fête !

Marc
Il y a quand même un petit bémol ! Le fils aîné ne veut pas se réjouir du retour de son frère…  il y a des nuages noirs sur la fête ! Peut-on se réjouir même si d’autres refusent de participer à la fête ?


Nelleke
Bonne question comme dirait l’autre ! En fait, c’est tout l’art des paraboles qui ne sont pas de jolies histoires qu’on raconte pour faire plaisir…   Cette fin nous dérange, car elle nous renvoie à notre façon de vivre la foi… Ne sommes-nous en fait pas tous des fils aînés ? Dans nos Eglises riches et remplies de « gens biens ». En tous cas les scribes et les Pharisiens du temps de Jésus ont du comprendre que Jésus parlait d’eux.

Marc
Oui mais L’évangéliste ne nous dit pas que le frère aîné ne finit pas par rentrer… on peut tout imaginer… On peut imaginer que ce qui triomphera à la fin … c’est la joie ! On peut tout imaginer, imaginer que ce qui triomphe à la fin, c’est la réconciliation, c’est la résurrection !

Nelleke
Ce qui est sûr, c’est que tous, dès aujourd’hui, et tous ensemble, nous sommes invités à découvrir ce Dieu proprement incroyable qui considère chacun d’entre nous comme un enfant unique et infiniment précieux  

Marc
Et ce qui est sûr aussi, c’est que tous, dès aujourd’hui, et tous ensemble, nous sommes invités à recevoir la joie de Dieu, une joie débordante, rayonnante, plus fortes que toutes nos tristesses, une joie déposée en nous qui fait du bien à la Terre comme au Ciel ! Amen



Le fils perdu …et retrouvé!  

 Par le peintre contemporain Arcabas (Jean-Marie Pirot)
Le Fils Prodigue  (2002)
Chapelle de la Réconciliation de Costa Serina  Bergame – Italie 
Peinture sur toile – techniques mélangées 1,30 x 1,62 m