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Rencontre avec un écorché vif 

Prédication du dimanche 15 février 2015

Evangile de Marc 1,40-45  Jésus guérit un lépreux
(Voir aussi Matt 8.1-4; Luc 5.12-16)  

La guérison du lépreux

Illustration
John Marr
« Jesus Heals the lepers » 

Charcoal 2006
13’’ x 19’’ 

Le texte ci-dessous n'est que  la trame de la prédication prononcée à l'occasion de l'installation de Richard Falo comme pasteur dans la paroisse de Chavannes-Epenex. Il y manque la partie plus personnelle lié au pasteur Richard Falo dont le ministère est orienté vers les marginaux et les exclus.

1.  Rencontre avec un écorché vif  
Une terrible maladie que la lépre. Un mot qui vient du v. grec  lepô :  peler, écorcher. Un mot qui résonne comme une condamnation à l'exil, à l'opprobe, à la solitude. Le livre du  Lévitique consacre deux chapitres (13 et 14) à cette maladie infectieuse que l'on sait traiter et qui est en passe de disparaître de notre monde. On compte aujourd'hui encore quelque 800'000 lépreux, principalement, en Inde dont 600'000 sont sous traitement. Mais à l'époque de Jésus comme durant des millénaires la lèpre signifiait tout simplement la mort avant la mort. une mort sociale en attendant la mort physique. Ecoutez le texte de l'Ancien Testament:3Lévitique 13 :45-46 Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se  couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : Impur ! Impur ! Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, Son habitation sera hors du camp.  
2. Une foi bouleversante  
Si tu le veux…  tu peux…   une foi totale     un abandon total Vouloir et pouvoir L’intensité de la foi de cet exclu  nous bouleverse… Que sait le lépreux de Jésus ? Rien que ce qu’on lui a dit : c’est un homme de Dieu… qui fait des miracles.. Rumeur…   Il a entendu dire que cet homme-là était différent ! un pasteur qui enseigne dans la synagogue, mais qui est aussi dans les rues et sur la place publique… et qui manifeste son amour à chacun…   Alors la foi renaît, l’espoir renait, Et cette foi ne comporte aucun doute sur la puissance de Jésus qui est celle de Dieu lui-même : puissance de vie, capable de rendre la vie, de ramener la vie…  
Si tu le veux…  tu peux…     ces mots, Jésus à l’autre bout de l’Evangile les dira lui aussi : Père tu peux m’épargner cette coupe, mais non pas ce que je veux… mais ce que tu veux  (Mc. 14,36).
Jésus fut rempli de pitié pour lui; il étendit la main, le toucha et lui déclara : « Je le veux, sois pur ! » Il aurait pu dire non ! mais il le veut parce ce qu’il voit dans ce lépreux, c’est son audace, sa liberté, son courage.   Le lépreux transgresse la loi en venant vers Jésus. Il aurait dû rester à l’écart mais non il prend sa vie en main et se dirige avec confiance vers lui.  

3. Les émotions de Jésus  
splagchnizomai ou orgizomai  … telle est la question que nous pose les différentes variantes du récit… Jésus est-il pris aux tripes (de splagchna entrailles)…  ou pris de colère…  
bref un Jésus ému de compassion    … ou énervé ?
mais … un Jésus fâché, irrité, en colère…  cela pose trop de problèmes non ? Déjà les autres évangélistes Matthieu et Luc passent comme chats sur braise… ils ne disent rien des sentiments de Jésus…   Moi j’aime assez le Jésus de Marc qui n’est pas pas tout doux, tout gentil, genre « peace and love »…  
Mais alors si on retiens la leçon « fâché » on peu encore se demander qu’est-ce qui le fâche ? Est-ce le malade qui enfreint la loi     ou la maladie qui fait de lui un exclu, un sans papier ·       Est-il rebuté, a-t-il un mouvement de recul devant l’horreur de la lèpre  …  ou ·      
Est-il de ces indignés, en colère contre une société ou une religion qui punit les malades de l’exclusion sociale ?   Peut-être les deux…  ou peut-être même –qu’il y a encore une troisième explication à l’irritation de Jésus…   Jésus sent que ce que ce lépreux lui demande va créer un malentendu : on va le prendre pour un thaumaturge, un guérisseur, et qui sait pour le Messie de la fin des temps…   Jésus sent que ce que ce lépreux va l’empêcher de poursuivre sa mission première : l’annonce de la Bonne nouvelle …   on en a la confirmation plus tard lorsque Jésus lui parle sévèrement… et lui ordonne la discrétion…  
Mais à l’image de la main qui peut aussi très vite glisser du geste qui repousse à celui qui accueille ou bénit… Jésus va se laisser submerger par cette compassion qui est celle même de Dieu…   Et sa main va toucher… le lépreux!

La guérison du Lépreux
Illustration Ky Betts  2012

4. Une extraordinaire liberté  
Jésus touche le lépreux…  ce faisant, il transgresse la loi – ou prend la place du prêtre ! Pourquoi toucher ce malheureux ?  il n’en avait nul  besoin puisqu’il fait des guérison a distance sans contacts.. Mais Il le touche car lui aussi va se montrer courageux et libre, comme le lépreux, souverainement libre vis-à-vis de la lettre de la loi.   Il le touche pour manifester clairement que l’impureté n’est pas là où croit qu’elle se trouve…   
Marc évoque dans la suite de son évangile : « Les Pharisiens, comme tous les juifs, ne mangent pas sans s’être lavé soigneusement les mains, par attachement à la tradition des anciens ; en revenant du marché, ils ne mangent pas sans avoir fait des ablutions ; et il y a beaucoup d’autres pratiques traditionnelles auxquelles ils sont attachés : lavage rituel des coupes, des cruches et des plats. » (Mc 7, 3-4).  
Cette recherche de la pureté conduit celui-là même à rejeter son prochain, à le condamner, à l’exclure de la communauté et de la société… et comme le corps est le miroir de l’âme, il est évident que la maladie révèle l’impureté spirituelle de celui qui est atteint dans sa santé !   Voilà pourquoi Jésus touche le lépreux ! pour casser cette compréhension perverse de la religion.  Tout est pur pour celui qui est pur (Tite 1 :15)!   Jésus le touche parce cet homme a besoin de guérison et plus encore d’amour   Jésus le touche parce qu’il y a une loi supérieure…  La loi d’amour  


5. Va te faire examiner par le prêtre  
La foi, la rencontre avec le Christ c’est bien … Mais jésus l’envoie au prêtre et au Temple…  L’institution dont il vient de se démarquer… a son utilité… Jésus ne se place pas en dehors de l’Institution, même s’il vient de manifester qu’il en est le maître souverain … Il y a un temps pour l’émotion mais aussi un temps pour retrouver la vie sociale qui a ses règles et son ordre auxquels Jésus  invite le lépreux guérit à se soumettre Jésus l’envoie au Temple pour l’aider à trouver la dimension spirituelle et à retrouver la dimension communautaire…  

6. Il restait en dehors, dans des endroits isolés  
Mais bien sûr ce que Jésus redoutait arrive… l’homme n’en fait qu’à sa tête, et il va dire à tous que Jésus l’a guérit…   La conséquence de tout cela sera une sorte de transfert : le lépreux purifié peut aller partout et jusque dans les villes qui lui étaient interdites, et c’est Jésus qui ne peut plus se montrer dans une ville !   A cause de cela, Jésus ne pouvait plus se montrer dans une ville ; il restait en dehors, dans des endroits isolés.   Et l'on venait à lui de partout. Avec ce dernier mot, ce mot de la fin, ce n'est pas seulement l'évocation du ministère du serviteur souffrant d'Esaï 53 ou du psaume 22 qu'évoque l'évangéliste Marc, non c'est surtout l'affirmation qu'avec Jésus le désert lui-même n'est plus désert mais habité de la présence de Dieu.  A l'image de nos pires solitudes qui se laissent habiter par celui qui la source de tout amour, de toute relation.

Amen