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Confinés, mais pas abandonnés !

Le difficile chemin de nos aînés en EMS et de leur entourage 

En EMS, la reprise à l’heure du déconfinement s’annonce compliquée. Mais la crise nous a appris quelque chose : le désarroi et les limites vécues par chacun de nous, nous ont renvoyés collectivement et individuellement à notre fragilité, à notre pauvreté et à notre humanité. 

Face au Covid19 : sauver des vies !

Nous avons vécus ces dernières semaines quelque chose d’absolument sans précédent. La terre et l’humanité ont sans doute connu des catastrophes encore plus dramatiques. Il suffit de penser à l’extinction des dinosaures il y a 65 millions d’années sous les effets conjoints de la chute d’une météorite et  d’énormes éruptions volcaniques ou à la peste noire qui au milieu du 14e siècle a tué de 30 à 50 % des Européens en cinq ans. 

Ce n’est donc pas la pandémie elle-même mais la quasi-unanimité mondiale dans le choix de la traiter par des mesures de confinement qui est totalement exceptionnelle. Ces mesures inaugurent peut-être celles que l’humanité va devoir prendre si elle entend relever les prochains défis parmi lesquels celui des changements climatiques. La pandémie du Covid-19 a mis les humains face à leurs limites. Ils se sont rapidement trouvés démunis. 

La situation sanitaire si critique à laquelle nous avons été confronté a poussé les  gouvernements à prendre des mesures extrêmes pour sauver des vies et pour sauver en particulier celles des plus faibles, celles des faibles parmi les faibles, celles de nos aînés.

Une première dans l’histoire mondiale

Fallait-il le faire ? A cette question on entend dire que cela n’a pas de sens de vouloir sauver la vie de personnes âgées qui ont vécu la leur, au détriment d’une jeunesse qui serait sacrifiée, une fois de plus, sur l’autel des décisions politiques. Toutefois, malgré le coût astronomique de ces mesures, malgré le risque majeur qu’elles représentent pour l’économie locale ou planétaire, les gouvernements n’ont pas hésité à subordonner les impératifs de la croissance à ceux de la santé publique au nom du principe élémentaire de justice consigné dans l’article 3 de la Déclaration universelle des droits humains :  « Tout individu a droit à̀ la vie, à la liberté́ et à la sureté́ de sa personne ». C’est sans doute une première dans l’histoire mondiale, il faut le souligner. Jamais encore on n’avait, à pareille échelle, pris de tels risques économiques en faisant passer l’humain d’abord. Peut-être fallait-il que l’humanité se trouve face à un ennemi commun, aussi volatil qu’invisible pour que s’apaisent des aussi conflits destructeurs que celui du Yémen. Et si c’était le moment de cesser de fabriquer des armes pour augmenter la production des moyens de contrer une pandémie ?  

Frustrations et déchirements

Sur le terrain, les mesures prises passent par ce que nous n’aurions pas pu non plus imaginer il y a six mois encore: les consignes de « distanciation sociale » qui nous obligent à ne plus nous serrer la main, à ne plus manger ensemble côte à côte, à ne pas embrasser nos proches ni même simplement à les rencontrer s’ils sont âgés ou vulnérables. 

S’il est frustrant et déroutant de devoir aller à l’encontre de ce qui fait notre vie en société, cela devient véritablement un déchirement quand il s’agit de l’attitude à adopter envers nos aînés confinés à domicile ou interdits de visites dans nos EMS.

Comment peut-on prescrire de ne plus visiter ses parents, de ne plus rencontrer les résidents qui n’ont pas de famille, de ne plus poser une main réconfortante sur la main d’un résident âgé, de plus nous consoler les uns les autres au moment d’une fin de vie et de nous réchauffer dans la tendresse des bras ouverts ?

Malgré toutes ces mesures,  les personnes âgées hébergées en EMS ont payé un lourd tribut à la maladie qui s’est répandu à une vitesse surprenante dans certains établissements.  L’impact du covid19 en EMS a été extrêmement variable d’un EMS à l’autre : certains établissements n’ont eu aucun malade alors que d’autres ont vu 70 % des résidents mourir en quelques semaines. Il faut se garder de faire une différence entre les EMS « qui auraient bien travaillé » et les autres car ces lieux sont en complet décalage d’avec le reste de la population. La réalité est bien plus compliquée qu’une série de mesures à prendre car au-delà des gestes barrières il y a une part de hasard et nombre de données que personne ne maîtrise. Pour autant, l’objectif aura toujours été le même : avec les moyens à disposition, protéger au mieux chacun des résidentes et résidents. 

Victimes des mesures sensées les protéger

C’est pourquoi, alors qu’ils étaient déjà isolés depuis le début de la pandémie, sans visite possible de leurs familles, nos aînés ont dû subir des mesures supplémentaires prises pour éviter une catastrophe : le confinement de chacun et chacune dans sa chambre. Plus de repas en commun, plus d’animations collectives. Ce qui fait le sel de la vie, la relation humaine, a été réduit au strict minimum. Ainsi, paradoxalement, nos aînés ont été ainsi les victimes, non de la cruauté ou de l’indifférence de leurs proches et des équipes qui prennent soin d’eux, mais des mesures mêmes qui visaient à les protéger.

Quelle souffrance pour tous ! Pour les Résidentes et Résidents, pour les proches, pour tous les intervenants extérieurs, pour les bénévoles et pour les aumôniers ! Et pour les équipes de soignants et les collaborateurs, quelle surcharge de travail, d’émotions et de craintes ! Certains ont été eux-mêmes atteints par la maladie et leur famille livrée à l’angoisse. Ici aussi, mais cette fois individuellement, la pandémie du Covid-19 a mis chacun face à ses limites. Chacun s’est rapidement trouvé démuni comme le disait un aumônier: « entre ce qu’on aurait aimé faire et ce que certains se vantent d’avoir fait, on a fait ce qu’on a pu ! »

En EMS, la reprise à l’heure du déconfinement s’annonce difficile et compliquée. Connaîtrons-nous un retour à la normale ?  Ce qui est sûr c’est qu’elle se fera en tenant compte des réalités de chaque EMS. 

Ce que nous a appris la crise

Connaîtrons-nous un retour à la normale ?  Ce qui est sûr c’est qu’elle se fera en tenant compte des réalités de chaque EMS. Mais la crise nous a appris quelque chose : le désarroi et les limites vécues par chacun de nous, nous ont renvoyés collectivement et individuellement à notre fragilité et à notre pauvreté. Celles que Dieu en Jésus-Christ a lui-même revêtu, manifestant ainsi son amour pour l’humanité et sa solidarité avec les plus faibles. Fort de cet apprentissage de nos limites, aumôniers, bénévoles, membres du personnel ou de la direction des EMS, croyants ou non, nous nous sentirons sans doute plus proches que jamais de ceux-là mêmes que nous pensons aider d’habitude. 

Marc Horisberger Aumônier en EMS 

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Dans le pire des déserts ... on est jamais seul!

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